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Attentes envers les immigrant.e.s : sommes-nous trop exigeant.e.s?

  • Photo du rédacteur: Autrement d'ici
    Autrement d'ici
  • 23 mars
  • 4 min de lecture


Une salle de classe pour représenter nos attentes envers les immigrant.e.s.

Au Québec, l’intégration des personnes immigrantes soulève des questionnements. Entre nos attentes d’adaptation et la réalité du parcours migratoire, l’écart est parfois grand. Dans nos universités, nos milieux de travail, notre quotidien, nous côtoyons des situations qui font ressortir ces écarts sans que nous en soyons toujours conscient.e.s. Voici un exemple.


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L’intégration des immigrant.e.s à l’université 


J’ai rencontré Lucy le premier jour de la session d’hiver. Elle est arrivée dans notre cours de science politique, son ordinateur portable sous le bras, l’air un peu perdu. Normal, me suis-je dit, c’est toujours stressant de commencer dans une nouvelle école. Mais pour Lucy, c’était plus que ça : elle venait d’arriver au Québec.


Au début, je l’observais de loin. Je la voyais prendre des notes avec application, les yeux rivés sur le tableau à l’avant, tentant de suivre le débit rapide de notre professeure. Je remarquais ses hésitations quand venait le temps des discussions en groupe. 


« Elle devrait participer plus », ai-je entendu chuchoter un jour. « Si elle veut réussir ici, il faut qu’elle s’exprime. » Ces commentaires m’ont fait réfléchir. Nous attendions d’elle qu’elle participe comme nous aux débats animés de la classe, alors qu’elle jonglait déjà avec tellement de défis : comprendre un nouveau système d’éducation, suivre des cours dans une langue qu’elle maîtrisait encore imparfaitement, s’adapter à une culture académique différente…


Les défis quotidiens de l’intégration des étudiant.e.s immigrant.e.s


Un jour, notre professeure nous a demandé de former des équipes pour un travail de session. J’ai vu Lucy regarder autour d’elle, espérant un signe d’ouverture. Les équipes se sont formées rapidement, comme d’habitude, entre ami.e.s qui se connaissaient déjà. Lucy est restée seule. « Elle devrait faire plus d’efforts pour s’intégrer », a commenté quelqu’un.


Plus d’efforts? Je me suis mise à sa place. Comment réagirais-je si je devais quitter mon pays et aller étudier dans une langue que je ne maîtrise qu’en partie, dans une université d’un pays qui me serait encore inconnu? Aurais-je le courage de lever la main pour débattre d’enjeux complexes? Trouverais-je facilement ma place dans des groupes déjà formés?


J’ai décidé de l’inviter dans mon équipe. 


Au fil des semaines, j’ai découvert une personne brillante, avec une perspective unique sur les enjeux que nous étudiions. Son expérience de vie apportait une profondeur fascinante à nos discussions. Mais il fallait lui laisser le temps de trouver ses mots, d’oser prendre sa place.


Repenser nos attentes envers les nouvelles et nouveaux arrivant.e.s


Ce qui m’a le plus frappée, c’est de réaliser toutes les attentes invisibles que nous avions envers elle :


  • Parler un français parfait après quelques mois seulement

  • Comprendre instantanément nos références culturelles

  • Adopter nos méthodes de travail sans délai

  • Créer des liens sociaux malgré la barrière de la langue

  • Se sentir à l’aise de donner son opinion sur des sujets parfois sensibles

  • Tout cela, en maintenant d’excellents résultats scolaires


En y réfléchissant, ces attentes semblent presque absurdes. Pourtant, ne les avons-nous pas quotidiennement envers les étudiant.e.s immigrant.e.s, souvent sans même nous en rendre compte?


J’ai aussi réalisé que nous avions un rôle à jouer. Au lieu d’attendre qu’elle s’adapte parfaitement à notre réalité, nous pouvions :


  • Lui laisser le temps d’apprivoiser son nouvel environnement

  • Créer des occasions d’échange et d’inclusion

  • Valoriser sa perspective unique

  • Adapter nos façons de faire pour faciliter sa participation

  • Reconnaître ses efforts plutôt que de pointer ses difficultés


À la fin de la session, Lucy s’exprimait avec plus d’assurance. Non pas parce qu’elle avait miraculeusement changé, mais parce que nous avions appris à créer un espace où elle se sentait en confiance. Elle n’avait pas besoin de nos attentes pressantes - elle avait besoin de notre ouverture et de notre patience.


Cette expérience m’a fait comprendre que l’intégration n’est pas qu’une question d’efforts individuels. C’est une responsabilité partagée qui demande de l’ouverture des deux côtés. Nos attentes peuvent soit créer des barrières, soit construire des ponts. À nous de choisir.


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Au-delà du récit : réflexion sur l’intégration des personnes immigrantes au Québec


Il s’agit d’un récit fictif que vous venez de lire. Mais se trouve-t-il si loin de la réalité? Dans nos écoles, nos milieux de travail et notre quotidien, ces situations se manifestent régulièrement. Les regards hésitants, les non-dits, les malaises… nous les connaissons tous.


Combien de talents passons-nous sous silence parce que nous n’avons pas la patience d’écouter un accent différent? Combien d’occasions d’enrichissement mutuel ratons-nous en restant dans nos cercles confortables? Combien de personnes brillantes limitons-nous en exigeant une adaptation instantanée?


Durant le processus d’adaptation et d’intégration, les personnes immigrantes font face à de nombreux défis concrets : la barrière de la langue, la reconnaissance des diplômes, l’accès au logement, la construction d’un nouveau réseau social… Sans oublier les discriminations, parfois subtiles, mais bien réelles, qui persistent dans notre société.


Pourtant, nous attendons d’elles qu’elles s’adaptent rapidement : maîtriser le français, décrocher un emploi à la hauteur de leurs compétences, comprendre nos codes culturels, participer activement à la société. N’y a-t-il pas une certaine injustice dans ces attentes? Comment pouvons-nous exiger une adaptation si rapide tout en maintenant des barrières systémiques qui ralentissent leur intégration?


Cette histoire nous invite à réexaminer nos attentes envers les personnes immigrantes. Elle nous rappelle que derrière chaque parcours d’immigration se cachent une histoire unique, des défis quotidiens et un processus d’adaptation qui demande du temps. À nous d’ajuster nos attentes pour permettre une véritable intégration, respectueuse du rythme de chacun.e.


Posons-nous la question : combien d’entre nous réussiraient à relever tous ces défis en quelques mois, dans un pays étranger? La réponse nous invite peut-être à plus d’empathie et de patience dans nos attentes.



À lire aussi : 


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